Moteurs by Presse-citron

Mécontent de sa voiture, il fait plier Porsche grâce aux réseaux sociaux

Nick Murray Porsche

Au cas où les grandes marques, même les plus prestigieuses, ne l’auraient pas remarqué, internet et les réseaux sociaux ont aussi changé la donne dans les rapports de force entre consommateurs et constructeurs.

Porsche USA vient d’en faire l’expérience avec cette mésaventure arrivée à un client néo-zélandais résidant aux Etats-Unis. Nick Murray est un particulier passionné par la marque, qui après avoir mis de l’argent de côté, a réussi à accéder à son rêve : devenir propriétaire de la dernière 991-991 Carrera S. Une voiture qui avec sa longue série d’options, coûte la bagatelle de 150.000 dollars. Quand je dis que Nick Murray a « mis de l’argent de côté » ce n’est pas pour rien : le gars précise dans ses vidéos qu’il n’est pas « riche », mais qu’il a pu s’offrir ce petit cadeau après avoir économisé pendant cinq ans. Comme il l’indique lui-même : « Je ne suis pas un trou du cul de riche qui achète des Porsche tous les jours. Je suis peut-être un trou du cul, mais pas riche ». C’est important pour la suite.

Nick Murray, un « trou du c.. » malchanceux

Nick est le genre de gars partageur : comme nous autres geeks le faisons quand nous achetons un nouveau smartphone ou un nouveau drone ou n’importe-quel gadget, nous empressant de le tester et de publier notre expérience utilisateur sur la toile, il s’est taillé une petite notoriété en publiant des vidéos de tests de sa nouvelle voiture, et elles étaient plutôt enthousiastes. Au début.

Mais le temps s’est vite gâté. Le gars Murray est visiblement très mal tombé lors de son achat, et a décroché LE mauvais numéro : après six mois d’utilisation, sa 991 a commencé à connaitre panne sur panne, principalement des soucis d’origine électrique, électronique, mais également de finition et d’assemblage (fuite d’eau dans l’habitacle, système de gestion informatique qui reboot au passage sur une bosse…). Bref, pas terrible pour une bagnole de ce prix, a fortiori de l’une des marques les plus réputées pour leur qualité et leur fiabilité.

Bref, après avoir rapporté 7 fois sa voiture au SAV, et 60 jours d’immobilisation au garage, et après le remplacement sous garantie d’une vingtaine d’éléments, y compris le module audio HiFi Burmeister (une option à plus de 6000 dollars…), le bolide ne fonctionnait toujours pas beaucoup mieux. Murray met alors en demeure Porsche de lui rembourser intégralement sa voiture, ou de la remplacer par le même modèle. Réponse de Porsche USA : niet, ou au mieux un remboursement au pro-rata des kilomètres parcourus et de l’usure supposée de la voiture (bref, autant la revendre d’occasion avec la décote inhérente…).

C’est là que les réseaux sociaux entrent dans la danse : pas super content, le malchanceux client décide de publier sur sa chaine YouTube une vidéo relatant ses malheurs. Bingo : la vidéo, publiée il y a moins d’une semaine, a déjà été vue plus de 1,2 millions de fois, et même si le ton de Nick Murray reste très factuel, courtois et non-agressif vis-à-vis de Porsche, on peut voir dans les commentaires que la marque prend cher, et que le bad buzz montait lentement mais sûrement, avec de bonnes et solides fondations.

Un grondement intéressant à observer : si le buzz restait encore sous les radars, notamment des grands médias, combien de temps la position de Porsche serait tenable avant une véritable cabale ?

La réaction de Porsche, juste avant le désastre…

Et bien cela n’arrivera probablement pas. Dans un update de sa vidéo, puis dans une nouvelle vidéo, Nick Murray indique que Porsche USA a pris contact avec lui, lui offrant deux choix plutôt satisfaisants : le remboursement intégral de la voiture au prix d’achat, ou le remplacement avec le même modèle. Murray n’en demandait pas plus, et juge que c’est « correct ». Bon joueur, et toujours aussi passionné par ce modèle, il envisage la deuxième option. « C’est une bonne marque, et je ne souhaitais pas que ma vidéo soit à l’origine d’un mouvement de dénigrement de Porsche ».

(update : selon le site Autoblog, Nick Twork, Responsable de la Communications produits de Porsche Cars North America, a déclaré que la marque était « très au courant de ces vidéos. » Il a confirmé que le service après-vente avait été en contact avec Murray, et l’a rencontré en tête à tête. Porsche s’est même fendu d’un communiqué officiel.)

Un souci de riche ? Peut-être, sauf que dans le cas précis, ce n’est pas tellement le montant en jeu qui est important, mais le bras de fer entre un consommateur « lambda » et une marque considérée comme « intouchable », de par son histoire et la passion qu’elle suscite (un fanboy Apple c’est du pipi de chat à côté d’un fanboy Porsche, je peux vous le dire). Un bras de fer qui grâce aux réseaux sociaux et à cette vidéo YouTube au budget de zéro dollar (mais intelligemment présentée) a tourné en faveur du client. Même si ce dernier a aussi payé un petit tribut à cet étalage de ses soucis en se récoltant quelques insultes au passage, qui montrent qu’aux US aussi, contrairement à ce que l’on pourrait penser ici, on sait vomir sur les riches (ou sur l’idée que l’on s’en fait).

Certes, la réaction de Porsche est classe et intelligente, mais avaient-ils le choix s’ils vouaient éviter un Big Bang forcément dommageable ? Et n’est-elle pas un peu tardive ? Ce cas isolé de gestion de crise créera-t-il un précédent dans les rapports entre marques automobiles et consommateurs ?